CHÂTEAU D'YQUEM 1893 : 

Couleur rouge très clair. Nez de confiture de fraise et de marmelade de coing. De la délicatesse, mais sans grande personnalité. Note boisée. Le vin possède une très belle sucrosité, assortie d'une acidité fine et agréable. On sent une structure moyenne: la récolte 1893 fut fort abondante, mais excellente. Le vin est remarquable sans être enthousiasmant. Là encore, la bouteille n'est pas la meilleure que l'on puisse boire de ce millésime réputé. Certaines étaient grandioses. 

CHÂTEAU D'YQUEM 1861 : 

 Robe rouge tirant sur le noir. Un rêve olfactif. Figue, pruneau d'Agen, crème de cassis, moka, sucre caramélisé, banane...Une densité et une complexité hors de tout ce que l'on peut imaginer. Le vin est si fort qu'on pourrait le mâcher. Le sucre est concentré au point de faire penser à un "Cream" de Jerez. L'âge est réellement un facteur inconnu pour ce nectar. L'impression olfactive et gustative est si marquante que l'on doit considérer cet Yquem comme une exception n'ayant rien à voir avec n'importe quel millésime du 20ème siècle. A ma connaissance, seul le 1869, tout aussi grandiose, s'en rapproche dans le style. C'est un événement important dans la vie d'un œnophile.

CHÂTEAU D'YQUEM 1900 : 

Couleur vieil or. Nez étonnant de cuir, de champignons, de fumé. Les arômes sont assez vieillissants, mais concentrés. Le vin est riche en alcool, trop riche même. La finale un peu brûlante le prouve. On décèle une base très forte, mais on devine aussi que cette bouteille n'est pas la meilleure que l'on puisse goûter de ce millésime grandiose. A noter que celle de notre dégustation avait été rebouchée. 1900 fait partie des grands millésimes d'Yquem. Il est riche, puissant et équilibré. Il est aussi resté d'une jeunesse remarquable.

CHÂTEAU D'YQUEM 1921 : 

Robe acajou sombre. Nez d'une beauté resplendissante. Une nature majestueuse qui nous laisse pantois. Crème fraîche, vanille, thé oriental très fin, raisins secs. La récolte parfaite a donné un vin parfait. La chair du fruit est grasse et sucrée à souhait, mais l'acidité indispensable à l'équilibre soutient le tout. Il est très dense sans être impressionnant de concentration. Il est d'une longueur infinie: sa nature sacrée, qui le rend intemporel, en est la cause. Ce 1921 mérite parfaitement l'aura mythique qui l'entoure. Monument de plaisir, il possède des qualités qui sont l'apanage et du 1945 et du 1937.

CHÂTEAU D'YQUEM 1937 : 

Robe acajou très clair. Nez de finesse en premier lieu. Arômes frais et denses de raisins de Corinthe et de thé noir. La sucrosité exceptionnelle est alliée à une acidité mordante qui fait penser au bonbon anglais: que c'est agréable et fin! Aspect d'agrumes confits. Ce n'est pas la puissance qui caractérise ce vin, mais l'équilibre général de ses composantes. Il est parfait maintenant, c'est une merveille! Il joue une symphonie délicate et magique. Basé sur un autre registre que le 1945, ce 1937 est le plus représentatif des Yquem équilibrés et fins du 20ème siècle. 

CHÂTEAU D'YQUEM 1945 :

 Robe acajou sombre. Le nez des grands millésimes intemporels. Finesse et concentration au rendez-vous avec la complexité: gelée de coing et d'abricot, châtaigne, raisins secs,... L'âge n'intervient absolument pas, il est occulté! Le vin est fort et racé. Le gras est d'une compacité à la hauteur de l'acidité et du fruit incroyablement dense. Le botrytis dans ce qu'il donne de plus beau. Au vu de la force des composantes, l'équilibre est miraculeux. Le fruit est encore en pleine adolescence. Ce vin est impressionnant du début à la fin. La persistance, incroyablement longue, fait penser à la finesse et à la fraîcheur des grands rieslings allemands. L'Yquem 1945 est à considérer comme un millésime charnière du 20ème siècle. Il réunit toutes les qualités du vin parfait. Son règne s'étalera encore sur de très nombreuses décennies. Un vin qui nous laisse littéralement sans voix. En buvant une telle merveille, notre palais devient réellement l'hôte d'un grand roi.


CHÂTEAU D'YQUEM 1947 :

 Robe acajou clair, mais dense. Nez marqué par le soleil de l'année. Le fruit est bien mûr et développé. Touche minérale et aromatique très agréable. Caramel mou, nougat... Forte personnalité. Vin puissant, riche, concentré, au caractère iodé. La vivacité impressionnante est due à une acidité volatile positive. Le rôti des grands millésimes botrytisés est très présent. La puissance est un peu celle du 1967, mais avec la faveur de l'âge. La bouche est marquée par le sucre, la crème brûlée, et la menthe fraîche en finale. La jeunesse de ce vin est incroyable. Paradoxalement, on se demande si les difficultés dues à la chaleur de l'année n'ont pas eu des retombées positives sur la qualité ce vin d'anthologie.

CHÂTEAU D'YQUEM 1949 :

 Robe acajou brillant, magnifique. Au nez, c'est la droiture même. Fabuleuse ouverture d'arômes. Mandarine, bois oriental, sucre candi... Le vin est dense, sans lourdeur, marqué par une acidité de citron confit. Le sucre est d'une finesse exquise. Le palais ne faiblit jamais. L'acidité et le gras soutenus se mêlent très longtemps sans que l'un ou l'autre ne domine. La longueur est extrême. La persistance révèle du thé noir, de la quinine, du coing confit... L'ouverture le rend de plus en plus expressif. Un Yquem époustouflant, d'une jeunesse infaillible.

CHÂTEAU D'YQUEM 1959 : 

Couleur vieil or. Le nez est une délicatesse. La maturité est idéale. Les composantes sont fines et complexes: fruits confits, caramel, un peu "vieille chambre aristocratique au parquet bien ciré". Une grande pureté! Le vin a un sucre parfaitement intégré, accompagné par un remarquable glycérol et du confit de mirabelle. Il reste frais grâce à son acidité citronnée. La finale, sans être puissante, est très longue. On y ressent une petite amertume boisée, de la menthe fraîche et de l'écorce d'orange. Un grand Yquem tout en dentelle, aux antipodes du 1967.
 
CHÂTEAU D'YQUEM 1967 : 

Couleur or profond. Nez marqué par une densité extrême. La puissance des arômes frise la violence. La complexité s'exprime de manière baroque: raisins de Corinthe, Cointreau, sucre candi, abricots confits, thé noir. Le botrytis est marqué. On ressent une récolte très mûre, bien plus que la moyenne chez Yquem. Le vin est une étonnante liqueur riche et puissante. Dans la masse onctueuse et très sucrée qui remplit largement le palais, on retrouve de la crème fouettée, de la pâte de fruits (abricot, mirabelle), du caramel au lait, du zeste d'orange, du sucre brûlé... Par certains aspects, il fait penser à de grands Tokay hongrois. L'alcool est bien présent et donne une finale un peu lourde, mais l'acidité élevée et la structure compensent un peu. L'harmonie viendra avec le temps, c'est certain.  C'est un Yquem exceptionnel, mais atypique de par sa grande richesse. Le sommet de son développement appartient à un lointain futur.